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Au moment où J. Lacan créait sa première École, on trouve sa proposition suivante sur le travail à y faire, reprise dans le texte intitulé « l’Acte de fondation du 21 juin 1964 »: “Pour l’exécution du travail, nous adopterons le principe d’une élaboration soutenue dans un petit groupe”.
Pourquoi choisir le petit groupe pour le travail dans l’École ? À l’époque, l’idée du travail en petits groupes de formation avait été mise à l’ordre du jour, à la Sorbonne, par les étudiants en Lettres. Ils avaient promu la nécessité de ce qu’ils appelaient des groupes de travail universitaire (G.T.U), invitant les étudiants à travailler ensemble sur une base égalitaire, avec le moins de « profs » possible1. C’était une manière de s’opposer au cours magistral, à l’idée de l’autorité et de la hiérarchie.
Pour le travail dans l’École, Lacan propose donc une formule sans autorité et sans hiérarchie. J.-A. Miller soulève le signifiant le travail dans cette formule. Dans l’École, tout le monde est égal face au travail.
Comment penser, dans cette logique de l’égalité, la fonction du Plus-Un ? Si on l’entend dans la même logique que la fonction du Nom-du-Père, nous pouvons dire que cette « responsabilité » constitue plutôt une opération qui donne accès et qui permet (quelque chose). On peut dire que le Plus-un est « une fonction dont il s’agit de se servir »2 pour produire un travail, une élaboration. C’est une fonction qui n’incarne pas un savoir mais qui facilite le travail.
Dans le texte « D’écolage », du 11 mars 1980, Lacan indique : « La conjonction des quatre se fait autour d’un Plus-Un, qui, s’il est quelconque, doit être quelqu’un. À charge pour lui de veiller aux effets internes à l’entreprise, et d’en provoquer l’élaboration ». Autrement dit, c’est quelqu’un qui est là pour permettre que le travail dans le cartel se réalise et qui est attentif à ce que les réunions du cartel restent orientées par le travail au-delà des effets de groupe.
A. Stevens dans son texte La position de plus-un, rappelle que « la place que J.-A. Miller propose pour le Plus-Un est celle d’un sujet divisé, c’est-à-dire un Plus-Un qui est un Moins-Un, un Un qui ne sait pas, qui est seulement agent provocateur. Le Plus-Un est non pas quelqu’un qui sait ou qui est supposé savoir, mais qui, comme hystérique, pose la question et provoque »3.
Le mot élaboration se trouve déjà chez Freud. Il est utilisé par rapport au travail de l’analysant. Il dit aussi : l’élaboration psychique. L’élaboration est donc un procès qui requiert le temps et qui est accompagné par une production de savoir. C’est la même logique que l’élaboration dans l’analyse. Le mot élaboration est plutôt propre au travail de chacun, l’élaboration n’est pas collective. L’idée de la matinée des cartels est donc d’entendre et de partager avec les autres les productions comme un résultat du travail réalisé dans le groupe, mais qui a permis à chacun, d’avancer dans son questionnement singulier.
- 1. Miller, J. A. : Intervention à la Journée des cartels du 8 octobre 1994 à l’ECF, (Paru initialement dans La Lettre mensuelle n°134).
- 2. Stevens, A. : « La position de plus-un », Cartello 24, http://ecf-cartello.fr/2019/01/30/la-position-duplus-un
- 3. Ibid.